Introduction
à la rédaction non sexiste
par
Hélène Dumais, linguiste
Une langue
sexiste?
La
langue française est-elle sexiste? Voilà une question de fond à
laquelle la
plupart des personnes attendent une réponse précise et sans équivoque.
Rappelons que la langue, outil de communication par excellence, se
révèle un
produit social et historique. Elle reflète les structures et les
valeurs de la
société et, par le fait même, elle sert à dire et à véhiculer des
préjugés.
Certaines idéologies du passé — les mythes et les stéréotypes sociaux
infériorisant les femmes — sont encore présentes dans la société et dans la langue.
Cependant,
les femmes, qui deviennent de plus en plus
« visibles » et maitrisent
de mieux en mieux leur situation sociale, veulent aussi sentir que de
tels
changements se manifestent dans la langue.
Malgré la lenteur de son évolution, la
langue parvient à s’adapter à de nouvelles réalités sociales. Pensons,
par
exemple, au secteur de l’informatique où les récentes créations ont
favorisé
l’apparition de quantité de néologismes. Il est donc possible de faire
s’accorder l’évolution de la société et celle de la langue. Pour
ce qui
est du sexisme de la langue, ne s’agit-il pas plutôt du sexisme dans la
façon
d’utiliser la langue, de présenter un discours?
La
question de la féminisation des titres et de la désexisation des textes
se pose
maintenant quotidiennement et dans tous les champs d’activité. Pour les
femmes,
la revendication d’une appellation féminine appropriée et d’une
meilleure
représentation dans le discours, ce qui comprend les textes, s’avère
d’un grand
intérêt et devient même pour beaucoup d’entre elles de la plus urgente
nécessité. Dans le cas des professions ou des métiers où la présence
des femmes
constitue un fait acquis, les formes féminines des titres sont
employées
couramment.
Toutefois,
dès qu’il est question des domaines d’activité peu fréquentés par les
femmes,
les titres féminins n’existent pas ou encore ils dérangent, choquent et
dévalorisent même les femmes, selon certaines personnes. Une telle
attitude de
rejet peut se comprendre, entre autres, par le fait que la féminisation
vient
bousculer des habitudes langagières et qu’elle touche aussi socialement
chaque
personne. Elle demeure toutefois un des plus surs moyens de rendre les
femmes
visibles dans la langue. S’exprimer
et rédiger de façon non sexiste aidera certainement à rétablir
l’équilibre
social entre les femmes et les hommes et servira aussi à exprimer de
nouveaux
rapports entre les sexes.
Qu’est-ce que
la rédaction non sexiste?
Le
concept de rédaction non sexiste, aussi appelée « rédaction épicène »,
comporte
essentiellement deux aspects, soit la féminisation des titres et la
désexisation des textes. Dans le premier cas, l’accès des femmes à de
nouvelles
professions ou fonctions ou encore à de nouveaux métiers entraine le
besoin
d’une dénomination féminine. Théoriquement, chaque titre doit avoir une
forme
masculine et une forme féminine. Pratiquement, un titre féminin doit
être
employé chaque fois que l’on désigne une femme exerçant telle fonction
ou
profession ou encore occupant un poste donné.
Dans
le
second cas, la désexisation des textes, c’est-à-dire l’élimination du
sexisme
(et non la désexualisation), permet d’illustrer la présence des femmes
et leur
apport à la
société. L’idée
du masculin « générique » qui « l’emporte
sur le féminin »
est donc mise de côté, le temps de trouver de nouvelles façons de
présenter un
discours, des textes, qui soient non sexistes.
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